Articles de presse

Le Pr Philippe Metellus interviewé par La Marseillaise interview du Pr Philippe Metellus dans le quotidien La Marseillaise à l’occasion de la dernière édition de cette conférence européenne. L’occasion d’aborder les évolutions de la génétique et de la biologie des métastases qui correspondent au virage de l’approche personnalisées des traitements. Le Pr Metellus s’attarde sur le saut technologique qui permet aujourd’hui d’atteindre et traiter des lésions de très petite taille. Et de citer le Cyberknife ou les deux scanners peropératoires dont s’est équipé l’Hôpital privé Clairval ces dernières années.
La chirurgie des tumeurs cérébrales sur patient éveillé – Une approche innovante

Le Pr Philippe Metellus, neurochirurgien à l’hôpital Clairval, de Marseille, décrit la technique qui permet de diminuer les séquelles neurologiques.
Paris Match. Pour quelles tumeurs du cerveau envisage-t-on une opération chirurgicale ?
Pr Philippe Metellus. Il y a deux grands types de tumeurs intracrâniennes : celles situées dans le cerveau et celles qui sont dans son enveloppe. Parmi les premières, les gliomes et les métastases sont les plus fréquentes. Les ­tumeurs de l’enveloppe comprennent essentiellement les méningiomes (70 %), qui se développent dans les méninges, et les neurinomes (30 %), localisés dans la gaine des nerfs. Dans 95 % des cas, les méningiomes et les neurinomes sont bénins, mais on est obligé de les opérer car ils grossissent. Quand les tumeurs sont accessibles, la chirurgie est le premier traitement.
Pour un patient, ouvrir le crâne fait peur. Quels sont les risques ?
Ils dépendent de la localisation de la tumeur. Si elle est située à proximité d’une zone fonctionnelle qui commande la motricité, le langage, la vision…, le danger (rare avec les ­techniques actuelles) est de léser ces zones. Il y aura alors des ­séquelles : ­paralysie partielle mais peut-être réversible, trouble de la parole, de la vue, de l’audition…
Depuis quand pratiquez-vous cette chirurgie sur patient éveillé ?
Jusqu’à la fin des années 1980, on n’opérait pas les tumeurs situées près des zones fonctionnelles. Quelques années plus tard, les Américains ont commencé à le faire sur un patient éveillé grâce à une nouvelle technique. En France, à la fin des années 1990, on a adopté cette méthode, réalisable uniquement sur les tumeurs situées dans le cerveau, à condition qu’il n’y ait pas de contre-indications.
Quelles sont-elles ?
Cette chirurgie n’est pas envisageable quand la tumeur est située au niveau du tronc cérébral ou lorsqu’un gliome multifocal, par exemple, a atteint plusieurs zones du cerveau. Des métastases associées à des atteintes des méninges sont également inopérables.
« Dans 90 % des cas, les patients sont calmes, car ils se sentent acteurs de leur guérison »
En quoi consiste votre nouvelle technique chirurgicale sur patient éveillé ?
En préopératoire, on effectue une IRM ­cérébrale pour bien localiser la tumeur et faire un repérage des zones environnantes. Le chirurgien ouvre la boîte crânienne et l’enveloppe du cerveau sous anesthésie générale. Le patient est ensuite réveillé, mais il ne ressent aucune douleur (le cerveau n’est pas innervé), puis on effectue un certain nombre de tests qui vont permettre d’identifier les régions du cerveau essentielles à une fonction donnée.
Quels sont ces tests ?
Des exercices de lecture qui vérifient le bon état des zones fonctionnelles (langage, vision, audition…). Durant ces examens, le chirurgien stimule les régions atteintes pour s’assurer que leur exérèse n’entraîne aucune séquelle. Une nouvelle technique, l’électrocorticographie, est un grand progrès. Elle enregistre en temps réel l’activité électrique du cerveau, et permet une plus grande précision du repérage des zones à éviter.
Comment réagissent les patients ?
Dans 90 % des cas, ils sont calmes, car ils se sentent acteurs de leur guérison. Après l’intervention, un tiers ne se souvient plus d’avoir été réveillé.
En résumé, quels sont les avantages de votre nouvelle approche chirurgicale ?
Il y en a trois principaux. 1. Augmenter la quantité du tissu tumoral à ­enlever quand c’est nécessaire. 2. Diminuer les risques de séquelles neurologiques. 3. Prolonger les rémissions et améliorer la qualité de vie chez les patients atteints de métastases cérébrales et de gliomes.
Quelles études ont démontré ces bénéfices ?
Une étude, conduite par le Pr Michel ­Berger (université de Californie à San Francisco), a démontré que cette approche diminue les séquelles neurologiques (“New England Journal of Medicine”). Deux autres études du Johns Hopkins Center de Boston ont montré que, avec ce procédé où l’on réveille le patient et où on enlève 90 % d’un gliome, on améliore la survie et on obtient parfois une rémission complète (“Journal of Clinical Oncology” et le “Journal of Neurosurgery”). Plus récemment, mon équipe a rapporté nos résultats avec la technique d’électrocorticographie. 

Opérée du cerveau tout en étant éveillée
Par Joël Ignasse le 20.02.2012

A Marseille, le Pr Metellus pratique la chirurgie à crâne ouvert avec patient réveillé. Une technique qui permet de déterminer durant l’opération les zones cérébrales essentielles à préserver. REPORTAGE.
S’aventurer bistouri à la main à l’intérieur du cerveau afin d’en extraire des tissus cancéreux ou des tumeurs, c’est le quotidien (ou presque) du professeur Philippe Metellus, neurochirurgien à l’Hôpital de La Timone, à Marseille. Dans son bloc opératoire, logé dans une petite pièce au cinquième étage du service du Pr Henry Dufour, non seulement il ouvre le crâne de ses patients, mais en plus il les réveille pendant l’opération !
« Il y a dix ans on ne pouvait rien faire pour ces gens »
Pratiquer cette chirurgie permet d’opérer des patients qui autrefois étaient contre-indiqués en raison de la trop grande proximité de leurs lésions avec des zones fonctionnelles du cerveau. « Il y a dix ans on ne pouvait rien faire pour ces gens. Aujourd’hui, en les réveillant au cours de l’intervention on peut savoir si la zone qu’on veut opérer est participe réellement au maintien d’une fonction comme le langage ou la motricité et si on peut l’enlever sans conséquences pour la suite » explique Philippe Metellus.
Ce matin-là, allongée sur son côté droit, Émeline, 30 ans, subit pour la deuxième fois une telle chirurgie. Elle avait été opérée l’année dernière d’un gliome, une tumeur bénigne du cerveau « mais dont on sait aujourd’hui qu’elle finira par se transformer en cancer, en moyenne au bout de sept à huit ans » précise le chirurgien. La première intervention n’avait pas permis d’enlever la totalité de la volumineuse masse tumorale, d’où la nécessité d’une seconde intervention.
Une technique unique
Après l’ouverture de la calotte crânienne et la mise à nu du cerveau, le professeur Metellus place à même le cortex une petite grille d’électrodes qui permettront de stimuler électriquement le cerveau et d’enregistrer son activité en réponse.
C’est la seule équipe en Europe à utiliser cette technique d’électrocortigraphie adaptée par le Dr Agnès Trébuchon, neurophysiologiste spécialisée dans le traitement de l’épilepsie au sein du service du Pr Patrick Chauvel, une des références mondiales de la chirurgie de l’épilepsie.
La grille d’électrodes posée sur le cortex. (Metellus/APHM)
Viens alors le moment de réveiller la patiente en diminuant la vitesse de la seringue électrique qui administre les produits anesthésiants. Au bout de quelques minutes celle-ci sursaute mais elle est rapidement contenue par les infirmiers et assistants. Après ce bref instant de panique, elle se calme et la phase de tests peut alors commencer. Elle durera un peu plus d’une heure.Une approche intégrale
« Après cette deuxième intervention on aura enlevé toute la tumeur d’Émeline et elle a toutes les chances de mener une vie normale par la suite » précise Philippe Metellus. De fait, la jeune femme sortira de l’Hôpital une semaine à peine après son opération avec des examens de contrôle (scanner et IRM) tout à fait satisfaisants.
Un succès de plus pour l’équipe qui opérera cette année plus de cinquante patients avec cette technique novatrice. Mais le travail du chirurgien ne s’arrête pas à la sortie de la salle de bloc. Partisan de ce qu’il appelle « l’approche intégrale », il étudie en association avec le Centre de recherche en Oncologie biologique (INSERM 911) l’aspect moléculaire de ces gliomes. Chaque tumeur prélevée est ensuite analysée.
« Durant l’opération, avec la stimulation corticale on peut étudier le fonctionnement cognitif du cerveau et l’impact d’une tumeur. Mais il est impératif de compléter ces données avec un examen moléculaire. L’objectif étant d’identifier des marqueurs spécifiques et d’éventuelles cibles thérapeutiques afin de pouvoir tester très vite de nouvelles substances médicamenteuses ». Chaque tumeur ayant un profil génétique, moléculaire et anatomique unique, avec cette approche dite intégrale, Philippe Metellus peut maintenant proposer un protocole thérapeutique personnalisé à chacun de ses patients.
L’aide de l’orthophoniste
Comme sa tumeur est située dans une des aires du langage, l’aire de Broca, située dans l’hémisphère gauche du cerveau, c’est cette fonction que les médecins vont évaluer. Pour ce faire, épaulée par une orthophoniste, Émeline devra identifier des formes et objets qui défilent devant elle sur un écran d’ordinateur portable. Avec une phrase type : ceci est un sabot, ceci est un écureuil… « On peut ainsi distinguer ce qui est du domaine de la production automatique du langage [« ceci est », NDLR] de l’accès lexical » précise Agnès Trébuchon.
Celle-ci déclenche alors les électrodes une par une et observe les effets de la stimulation sur le comportement de la patiente ainsi que sur la machine qui contrôle la grille et qui permet de lire l’enregistrement électrique de chaque électrodes. Selon la zone stimulée, Émeline a plus ou moins de difficulté à prononcer le nom des objets qu’on lui présente. Elle s’arrête même brusquement de parler par moment.
Cette machine unique qui gère les stimulations et enregistre l’activité perçue par chaque électrode a reçu le prix de l’innovation thérapeutique de l’université de la Méditerranée. (J.I.)
Neuronavigation
Sur son écran, la neurophysiologiste analyse des dizaines de tracés et son œil averti repère parfois ce qu’elle appelle des post-décharges. « La réponse à une stimulation n’est pas toujours focale, elle peut être aussi relativement éloignée de la zone stimulée » précise Agnès Trébuchon. En identifiant ces zones secondaires, les médecins peuvent préciser la cartographie des fonctions cérébrales et le chirurgien choisir d’enlever certaines zones tumorales qu’il aurait dû préserver sans ces informations supplémentaires.
En progressant ainsi, en stimulant de proche en proche le cortex, le Pr Metellus sait maintenant quelles parties du cerveau il doit préserver et celles qui peuvent être retirées. Il commence alors l’exérèse de la tumeur, les yeux braqués sur un microscope grossissant 25 fois le champ opératoire. Il utilise aussi un appareil de neuronavigation, unE IRM miniature, qui réalise des coupes très fines du cerveau et permet de s’orienter dans la profondeur des circonvolutions cérébrales.